LA RÉALITÉ

La réalité. Celle de vieillir. Celle qui se manifeste tout à coup. Comme du jour au lendemain. Sans crier gare. Elle nous frappe de plein fouet. En plein front. En plein coeur. Sournoisement. Elle nous happe. Elle se faufile. Elle ne ment pas. On ne veut pas savoir. Pas tout de suite. Pas encore. Alors on fait la sourde oreille. On ne veut pas l'entendre. On ferme aussi les yeux. Et surtout on ne veut pas admettre qu'elle a raison. Qu'on en est là. C'est viscéral, c'est humain, c'est inévitable. Ça fait mal. Mal à l'égo. Mal d'orgueil ou un mal de ce qui fût. C'est inéluctable. C'est dorénavant cette réalité-là, la nouvelle, qui est là pour rester. Celle que l'on doit apprivoiser. Doucement. Petit à petit. Un pas à la fois. Lentement, elle fait son chemin. Elle prend sa place, incontournable. Elle creuse son chemin. On le voit à nos rides. Et elle s'enracine. Et on lutte. On est pas prêt, pas maintenant. Et elle s'accroche, c'est son rôle. La vie lui fait de la place. Elle demeure discrète malgré tout... Pour ne pas brusquer. Il faut digérer. Avaler la pilule. Notre nouvelle réalité laisse le temps pour l'amadouer. Puis, c'est moins douloureux. Ça fait moins mal qu'on pensait. C'est moins pire que prévu. Et, au final, on voit bien que c'est juste une question d'acceptation. Et puis, pas le choix... Cette nouvelle réalité, c'est que l'on vieillit. Eh bien oui ! C'est ainsi. C'est la vie. Mais on croit qu'on est encore trop jeune... dans notre tête, dans notre corps, dans notre âme, pour tout laisser tomber... d'un seul coup. Alors on réévalue. On remanie. On planifie. Notre nouvelle réalité sait qu'il faut prendre le temps de se retrouver. Retrouver la personne que l'on est réellement. Celle que l'on était avant. Avant tout ça. Avant les études, le travail, les amours, les unions, les enfants, les deuils... Avant les aléas de la vie. Redécouvrir cette personne, avec qui on aura à vivre encore un bon bout de temps, pour mieux vivre... En pleine possession de soi, de sa vérité, de son essence. Subtilement, l'idée fait son chemin. On commence à accepter cette nouvelle réalité... En tout cas, on s'y efforce... sans la forcer. Elle est incontournable. Ainsi va la vie. Notre nouvelle réalité nous fait prendre conscience de la chance que l'on a. Avoir le privilège de vieillir... donc de vivre ! Alors on accepte, avec gratitude !